La Charte des valeurs québécoises fait beaucoup jaser de nos jours. Ça s’annonce bien:
Les orientations proposées par le gouvernement ont pour objectif de poursuivre la démarche de séparation des religions et de l’État, entamée il y plus de 50 ans dans le sillage de la Révolution tranquille. Le gouvernement québécois croit qu’il s’agit là de la meilleure façon de répondre au pluralisme religieux dans un État moderne, soucieux de l’égalité de toutes et de tous afin de tisser ensemble, par-delà les différences religieuses, morales ou culturelles de toute personne, un lien civique fort.
Ce passage, je l’aime. Quel magnifique projet, et je n’en demande pas mieux, à part peut-être le changement de “poursuivre la démarche” par “compléter la démarche”. Malheureusement, mon enthousiasme ne survit pas à l’épreuve des faits. Je suis incapable d’endosser ou de rejeter complètement cette charte, la trouvant trop hypocrite pour promouvoir une véritable laïcité étatique, objectif qui justifierait un tel remue-ménage.
En tant qu’humaniste agnostico-athée, je trouve désirables les points suivants.
- La liberté absolue de croire n’importe quoi, c’est désirable.
- La non-ingérence de l’état dans les affaires religieuses, et vice-versa, c’est désirable.
- L’égalité de toutes religions et sectes devant la loi, c’est désirable.
- La liberté de mouvement, de travail et d’immigration, autant que possible, c’est désirable.
- L’intégration d’un immigrant à sa société d’accueil requérant un effort des deux parties, c’est désirable.
- Les valeurs québécoises ne requièrent pas de charte. Elles n’ont rien de plus spécial, et elles ne se distinguent que très peu des valeurs françaises, allemandes, américaines ou finlandaises. Bref: si on a à énoncer et défendre des valeurs, je postule que celles que nous tentons de défendre ne sont aucunement propres à notre province, mais bien plus à notre civilisation.
- La laïcité des institutions publiques, c’est désirable.
- La laïcité des représentants des institutions publiques, c’est là où le bât blesse. Les codes vestimentaires sont objet courant dans plusieurs professions et institutions, et je refuse de considérer l’expression de la religion d’un individu comme un droit plus important, ou un facteur plus atténuant, que n’importe quelle autre forme d’expression personnelle. Que tu sois sikh ou hipster, je veux que l’état considère ta barbe de la même façon devant un code vestimentaire. Si un individu peut porter un voile à l’intérieur de l’école, j’aurais dû avoir le droit de porter ma casquette des Expos. Je continue à cogiter là-dessus.
Parfait. Maintenant, comparons ces désirs avec la Charte du PQ.
La religion a occupé un rôle fondamental dans l’histoire du Québec ; nous devons protéger cet héritage. C’est pourquoi le gouvernement propose de préserver les éléments emblématiques du patrimoine culturel du Québec, qui témoignent de son parcours historique. Le crucifix de l’Assemblée nationale, la croix du mont Royal ainsi que les éléments toponymiques qui ornent le paysage québécois, tels les noms des municipalités et des écoles, en sont quelques exemples.
Nous souhaitons ainsi assurer la séparation de l’État et des religions ainsi que la neutralité et le caractère laïque de nos institutions, tout en protégeant notre héritage culturel et historique.
Préserver un héritage culturel? C’est bien, j’adore et trouve importante l’histoire. Le savoir, c’est important, et l’étude du passé du religieux du Québec est un enjeu fort intéressant. Pourtant, contrairement au Parti Québécois, je prône le retrait du crucifix de l’Assemblée nationale. Sa qualité d’artefact culturel demeure, et c’est pourquoi j’aimerais que le gouvernement demeure propriétaire de l’objet et le conserve au meilleur de sa capacité. Cependant, je trouve hypocrite et honteux de le conserver à l’Assemblée nationale, seule chambre législative de notre province. Contrairement à la Place Ville-Marie, à la croix du Mont-Royal et aux noms de rue, le crucifix de l’Assemblée nationale se trouve au-dessus du président de l’assemblée politique la plus significative de notre état démocratique, a peu près l’endroit le plus inapproprié dont je puisse concevoir. L’idée n’est pas de renier notre passé, mais bien de le corriger lorsqu’il devient désuet. Un fouet au Capitole à Washington, par exemple, n’aurait pu sa place depuis la présidence de Ulysses Grant, mais pourrait tout de même constituer un artefact méritant conservation. Je trouve le maintien d’un crucifix à l’Assembée nationale complètement inappropriée à la suite d’une démarche de laïcisation de l’état.
Mais encore.
Les personnes travaillant pour l’État devraient s’abstenir de faire la promotion de leurs croyances religieuses dans le cadre de leurs fonctions.
Parfait, je vous suis.
Nous proposons d’interdire le port de signes religieux facilement visibles et ayant un caractère démonstratif pour le personnel de l’État dans l’exercice de ses fonctions. Cet encadrement permettrait de refléter la neutralité de l’État. […]
Néanmoins, dans le cas des cégeps, des universités, des établissements publics de santé ou de services sociaux et des municipalités, le conseil d’administration ou le conseil municipal pourrait adopter une résolution permettant à son personnel de porter de tels signes religieux.
Là, je ne vous suis plus du tout. Peut-être suis-je intransigeant, mais je ne comprend pas le but d’instaurer des mesures laïques universelles pour ensuite permettre à des conseils d’administration de les abolir. De plus, à quoi bon interdire des croix de 10cm si on permet les croix de 3cm? Pourquoi sciemment créer une ambiguïté alors que ce n’est absolument pas nécessaire? Si on interdit des objets religieux visibles, interdisons les tous!
Nous proposons que les services de l’État soient donnés et reçus à visage découvert.
Cette obligation permettrait d’établir la règle générale selon laquelle la prestation des services de l’État s’effectue à visage découvert, tant pour la personne qui donne le service que pour celle qui le reçoit.
Bon, ça, c’est clair, ça a du bon sens, et c’est incontournable. Bravo.
En conclusion, je n’aime pas cette charte. Elle se prétend laïque tout en accomodant particulièrement l’héritage chrétien du Québec, alors que ce n’est pas nécessaire, pas utile, et que ça contrevient à l’esprit d’une charte de laïcité. Au lieu d’une laïcité institutionalisée, nous obtenons un nationalisme exclusif, accordant des passe-droits à sa majorité, la faisant paraître xénophobe, pourtant le contraire de l’esprit d’une telle charte.
Un rendez-vous manqué.
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