À la suite de l’explosion de Lac-Mégantic, j’ai vu passer ceci sur Facebook. L’auteur, Moïse Marcoux-Chabot, semble y déplorer l’utilisation de l’événement par une économiste conservatrice afin d’encourager le remplacement des trains par les pipelines pour le transport pétrolier, une méthode à son avis moins dangereuse. Il relate ensuite plusieurs éléments de la vie professionelle de l’économiste en question, Diana Furchtgott-Roth, qui pourrait expliquer sa prise de position. Jusque là, ça va. Par contre, il y a lieu de se questionner sur la pertinence de mentionner que le Manhattan Institute for Policy Research, auquel serait affiliée Mme Furchtgott-Roth, est un think-tank libertaire et conservateur opposé aux politiques favorables à l’immigration (ce qui, après quelques recherches, me semble erroné). Comment est-ce que cette prise de position, qui n’est même pas la sienne, changerait-elle la qualité de son discours sur la sécurité relative d’un pipeline par rapport à un train? Promouvoir des idées de gauche n’est pas mal en soi, mais, de grâce, ne nous égarons pas par ces sophismes!
Voici ce que je pense de l’explosion de Lac-Mégantic: c’est dommage, bien sûr, et nous devons nous assurer d’une qualité dans le transport énergétique. À la lumière des récents événements, il est normal et nécessaire de se questionner à ce sujet, et n’importe quelle étude sérieuse à ce sujet mérite étude. Soyons bien clairs, cependant: ce n’est pas le méchant pétrole et notre dépendance à lui qui ont causé cette explosion, pas plus que ce soit un moratoire sur la production de produits pétroliers qui règlera le problème. On n’aura pas d’explosions de train, certes, mais au prix de quoi, une dépression économique encore plus considérable?
Le plus dérangeant dans l’argumentaire de M. Marcoux-Chabot, et surtout de plusieurs de ses commentateurs (beaucoup moins articulés que lui), pourrait bien être l’incapacité à séparer les visions politiques de droite, tout à fait légitimes dans une société de droit, d’un parfum d’illégitimité, d’un côté vendu, de mauvaise foi. Pourtant, la gauche ni la droite n’ont le monopole de la vertu, un droitiste comme un gauchiste peuvent se servir de l’actualité afin de promouvoir leur agenda. C’est d’ailleurs le cas-même de M. Marcoux-Chabot, qui clôt son article en proposant l’énergie éolienne comme alternative à l’utilisation de pipelines pétroliers. C’est aussi le cas de groupes gauchisants, par exemple les partisans du contrôle des armes à feu, lors d’événements d’actualité; pourtant, on leur n’en tient pas rigueur.
Je crois concevable qu’une économiste respectée puisse défendre ses propres opinions, rationelles et songées, bien que de droite. Même si elle est associées à des lobbys pétroliers et libertaires. Je pense la même chose de la gauche: un environnementaliste à l’emploi de Greenpeace ou un syndicaliste à l’emploi de la FTQ, malgré ces affiliations, peut tout à fait être de bonne foi. Personne n’a le monopole de la vertu, et il est malhonnête d’attaquer l’intégrité de gens faisant la promotion de leurs options politiques et économiques lors d’événements d’actualité du simple fait que l’on soit en désaccord avec celles-ci. Bref: si on s’indigne des partisans du pipeline, il faut s’indigner des partisans du remplacement intégrale du pétrole par l’énergie éolienne (qui ne fait de très bons plastiques, soit dit en passant). La partisanerie est utile, mais ne doit pas se fonder sur la haine de l’autre, ou sur la mahonnêteté intellectuelle incapable de faire la part des choses. Voilà ce que je souhaite au Québec: une intégrité intellectuelle dépassant les raccourcis idéologiques paresseux.
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