Le peuple est souverain

posted by: Jean Gagnier on

Le peuple est souverain. Ses représentants formant les pouvoirs législatifs et exécutifs y sont redevables. Ça semble anodin de le rappeler, mais il est de notre devoir de s’en souvenir, de se le répéter, de l’apprendre.

Au printemps 2012, une imposante frange de la population a manifesté son désaccord avec une décision budgétaire concernant le financement des institutions universitaires rendue par du gouvernement élu. Le gouvernement, élu avec 42% des voix en 2008, avait la totale légitimité de prendre cette décision. Malgré cela, je vois d’un très bon oeil la décision des manifestants en désaccord avec le plan gouvernemental d’exprimer leur point de vue, de descendre dans les rues et d’exprimer leur mécontentement et leur insatisfaction. Parce que, comme je le disais plus tôt, le peuple est souverain. Cela n’excuse évidemment pas la rhétorique de perturbation de la CLASSE, ni les insultes ad hominem contre M. Charest, M. Bachand, Mme Beauchamp et Mme Courchesne, et cela ne donne pas droit aux mouvements étudiants et à leurs sympathisants de se substituer à leurs représentants. Être en désaccord, tenter de convaincre, c’est bien, mais une portion importante de la population, majoritaire selon la plupart des sondages, se rangeait plutôt du côté de son gouvernement. Bref, le peuple est souverain – pas la rue. Mais la rue a une importance certaine, et nous devons l’utiliser lorsque nous sommes en désaccord avec une décision de notre gouvernement.

Que l’on soit d’accord ou non avec la participation estudiantine accrue dans le financement des universités relève d’une opinion. C’est pourtant la prérogative d’un gouvernement de faire ce genre de décision étant donnée l’immense contribution gouvernementale au réseau universitaire. Bref, que l’on aime ou non la décision, elle était légitime, légale, et l’on doit tenter de s’y opposer, s’il y a lieu, de façon raisonnable, calme, en tentant de convaincre plutôt que de perturber. C’est précisément le genre de décisions qu’on élit un gouvernement afin de prendre. C’est son mandat.

Or, les maires de Montréal et de Laval, ainsi que bon nombre de leurs comparses d’autres villes plus modestes, se retrouvent récemment mentionnés à la Commission Charbonneau en tant que participants à du financement illégal et de la fraude, et se voient accusés de copinage avec des institutions mafieuses. Si les allégation de messieurs Lino Zambito et Martin Dumont sont exactes, les maires sont au pire participants actifs à ce système, et au mieux inconscients des opérations de leur parti. Bref, s’ils disent vrai, ils sont coupables soit de fraude massive, soit de grave incompétence. Ces allégations peuvent encore être fausses, bien certainement, mais le simple fait qu’elles soient déclarées sous serment, corroborées par de multiples participants de divers horizons, suffisent à, du moins temporairement, discréditer complètement les administrations Tremblay et Vaillancourt. Ce dernier s’est récemment retiré temporairement, mais Tremblay demeure en poste malgré son déficit de crédibilité évident et son irresponsabilité.

Le gouvernement Charest, certes impopulaire au printemps dernier, a tout de même pris une décision budgétaire justifiable et légitime. On peut s’opposer à cette décision, on peut la trouver mauvaise, nuisible, mais elle demeure légitime. On peut douter tant que l’on veut de la probité du gouvernement, mais même la CLASSE n’allait pas jusque là. Or, c’est ce qui afflige l’administration Tremblay aujourd’hui: il a perdu toute légitimité. Toute décision rendue par la législation montréalaise, telle que le dépôt du budget de la ville aujourd’hui, est sérieusement compromise.

Entre 100 000 et 200 000 personnes ont marché dans les rues de Montréal le 22 mars 2012 en désaccord avec la hausse des droits de scolarité. Je ne crois pas me tromper en déclarant que ce groupe était en majeure partie constitué d’étudiants, de jeunes sympathisants, de syndicats et de groupes socialistes et anti-capitalistes. Comme je l’ai mentionné plus haut, je salue l’implication politique directe de ces gens, tout en droit de le faire, mais je remets en doute la nature de leurs griefs. D’abord, cette hausse est tout de même modeste et abordable (sans compter qu’elle affecte la classe moyenne plutôt que la classe plus pauvre), et le gouvernement contribuerait plus que la poche des étudiants. Ensuite, étant donné que j’ai vu très, très peu d’appel à la raison, à la justification économique du mal-fondé de la décision gouvernemental, j’ai tendance à voir dans ce mouvement un réflexe “pas dans ma cour”, égoïste, qui défend le bien-être des jeunes plutôt que le bien de la société. Et sur une note plus légère, lorsque l’on porte des caleçons, soutien-gorge, foulards ou cagoules, on ne peut pas parler de manifestation nue. Mais bon, contrairement à d’autres opposants à la position étudiante, je suis tout à fait en faveur de la laisser s’exprimer, de la laisser tenter de me convaincre.

J’ai un grave problème avec les gens prêts à se mobiliser massivement pour quelques milliers de dollars par étudiant, mais qui ne s’indignent pas plus qu’il ne le faut, qui ne sont pas prêts à se manifester autant contre une administration de toute apparence corrompue jusqu’à l’os, opérant carrément sur le dos de ses contribuables, et qui a perdu toute légitimité de gouverner. Je trouve le retrait temporaire du maire Tremblay nécessaire, urgent, et de nature foncièrement plus grave que la hausse des frais de scolarité. Une décision budgétaire, c’est discutable, ça se négocie; la corruption, ce n’est pas discutable, ça ne se négocie pas. Je vois ici une cause plus noble, plus importante, et indiscutablement plus fondamentale au bon fonctionnement de notre société. Je trouve inconcevable de se fâcher contre la hausse de frais de scolarité, mais de rester coi devant ce qui se passe à l’Hôtel de ville de Montréal et dans tous ses illégitimes satellites. Dehors. Le peuple est souverain. Manifestants du Printemps Érable, unissons les Montréalais?